Rossignol

  • Auteurice: PLEYNET Audrey
  • Langue: Français (France)
  • Traducteurice: Version originale
  • Maison d'édition: Le Belial'
  • Année de la VF: 2023
  • Collection: Une heure lumière (n°45)
  • Série:
  • ISBN: 978-2-38163-088-5
  • Lien: Sur NooSFere
Racisme
Viol mental
Séparation
Marque-page

Après un premier roman auto-édité, et, quelques nouvelles qui m’auront échappées, Audrey PLEYNET signe avec Rossignol son envol sur le paysage de la science-fiction française.

Et quel envol ! Quelle reconnaissance !!

Pour dire le moins, Audrey PLEYNET est la première, et actuellement seule, autrice Française publiée dans la fameuse collection de novellas «Une heure lumière» du Bélial’.

Vous me direz, après plus de quarante opus, il était temps !!

Car, bien que j’apprécie beaucoup cette collection, il faut reconnaitre que la parité y est encore un but des plus éloigné. Actuellement soixante volumes sont sortis en comptant les hors-série annuels et seuls 20% d’entre eux sont écrits par des femmes. (Je n’ai regardé que les nouvelles, le rapport est peut-être différent pour les illustrations et textes d’accompagnement.).

Il y a donc encore du boulot au Bélial’ comme ailleurs ! Donc, si je me réjouis d’y voir s’élever une nouvelle plume féminine, je regrette que cela soit encore tellement remarquable par son caractère exceptionnel.

Le vif du sujet, ou la branche maîtresse du récit

Après cette disgression, revenons-en, non à nos moutons, dont la maison a coulé, mais bien à notre Rossignol et à son autrice.

Sur les aires d’une ritournelle bien connue, Audrey PLEYNET nous transporte au cœur d’une station-monde. Nous y sommes guidé·es par une enfant, majoritairement humaine. Sur la station, tout le monde est « majoritairement » d’une espèce et partiellement d’autre·s. Le métissage est la norme. La norme ? Au moins en surface, mais pas une évidence pour autant dès lors que l’on creuse un peu. Car la station n’est qu’un amas de poussière de comète dans un univers infiniment grand, complexe, dangereux et xénophobe.

La narratrice grandit dans cette bulle fragile de grande mixité, y évolue et y devient adulte. Découvre avec nous la complexité et les nuances de ce huis-clos ouvert sur le vide stellaire, cette utopie moins stable que crédible.

Pour ce qui est de la crédibilité, l’autrice, dont vous pourrez facilement entendre des interviews et présentations sur le net, explique qu’elle n’a jamais été convaincue par la « scène de la cantina » de StarWars et ses équivalente dans d’autres œuvres de science-fiction. C’est l’impulsion initiale de l’écriture de cette novella. Pour elle il est impossible que des êtres si différents, originaires de planètes et de processus évolutifs si distincts, puissent s’assoir sur les mêmes tabourets de bar, commander les même boissons, respirer le même air et écouter les mêmes aires.

À supposer que l’on veuille vivre ensemble avec des êtres différents de nous…

Étrangement elle fait de cette « condition du vivre ensemble » le centre de sa novella tout en réglant la difficulté technologique d’une merveilleuse pirouette.

La station se charge de réguler les « paramètres » afin d’offrir à chacun·e des conditions de vie acceptables selon ses besoins propres. Autrement dit, si deux personnes se trouvent dans la même pièce avec des besoins vitaux différents, la station régulera la température afin qu’elle soit supportable pour chacun d’eux. Idem pour les autres paramètres de pression, gravité, qualité de l’air…

L’exercice d’équilibriste de haut-vol serait rendu possible par une technologie désormais incomprise et par l’extrême hybridation des êtres vivant sur cette station. Bon, de mon point de vue, il ne faut tout de même pas y regarder de trop près si l’on veut conserver sa suspension volontaire d’incrédulité. Comme un personnage de cartoon qui peux marcher dans le vide tant qu’il ne regarde pas vers le bas.

Mais c’est bien là où veux nous amener Audrey PLEYNET.

Si nous, lecteurices, ne pouvons croire à son histoire que si nous le voulons bien, les personnages qui la peuplent se trouvent dans la même situation. Iels ne peuvent y vivre ensemble que s’iels décident de croire que cela est possible. Et alors le message pour nous lecteurices habitant une bulle fragile au fonctionnement mystérieux devient facile à décrypter.

Un foisonnement de branches secondaires

De quoi est-il aussi question dans cette novella ? De beaucoup de choses en réalité. D’un parcours de vie, d’une relation mère-fille mère-fils, de désillusion, d’engagement et de luttes.

Il est question de consentement aussi.

L’autrice, explique dans diverses intervention que nos législations ont pour socle le respect de la propriété privé et la compensation des dommages fait à ces propriétés. La notion de consentement n’y apparait que très récemment et de façon accessoire alors que cela devrait être central. Ainsi elle explique que le viol d’une femme est d’abord considéré comme la spoliation du bien d’un père ou d’un époux plutôt que la négation du consentement de la personne qui en est victime.

Dans Rossignol, la condition pour qu’un individu, ou une espèce, soit admise sur la station est sa capacité à donner et respecter un consentement en particulier en matière de télépathie. C’est la base de toute la réglementation de la station.

À mon sens, si l’idée est bonne, le format de la novella n’a permis à l’autrice que de l’effleurer. Il aurait vraiment été nécessaire de la consolider et de l’approfondir car en l’état cela m’a semblé léger voir maladroit.

À propos des avertissements de lecture…

Comme pour le premier article portant sur « La dernière saison de Selim », j’essaie de vous donner quelques avertissement de lecture pour que vous sachiez dans quel engrenage vous mettez la main en ouvrant cet ouvrage. J’essaierai de le faire systématiquement.

J’ai écouté quelques interventions d’Audrey PLEYNET et dans l’une d’entre elle, elle dit que sa novella convient à tous public sans sujets vraiment sensibles. Je serais plus nuancé. Oui ce n’est pas un thriller horrible suscitant des visions cauchemardesques, mais non les thèmes et leur traitement ne seront pas anodins pour tout le monde.

Viol mental

Dans cet univers, beaucoup d’individus sont doués de télépathie, un lieu, présenté comme une maison-clause mentale. Même si le personnage s’y emploie librement, j’aurais du mal à qualifier ce qu’elle y subit autrement que par « viol mental ». À un autre moment il est question d’une torture mentale sur le même principe.

Séparation forcée

L’un des arcs narratif concerne les relations entre la narratrice, sa mère et son fils. Il sera question de séparation de force par les circonstances pour dire le moins.

Xénophobie

Il est question tout du long de cette novella de pureté des espèces s’érigeant face à leurs métissages. L’autrice condamne la xénophobie mais soyez avertis que ce thème est central, d’autant qu’à son paroxysme, cette haine se concrétise en un massacre de masse.

Il est enfin question de drogues, cela y ressemble en apparence dans leurs effets à court-terme, néanmoins il n’est pas question de dépendance ni des autres problèmes plus graves qui sont liées à ces substances. Elles sont surtout utilisées dans ce récit comme vecteur pour tenter de sortir de soi-même et de s’approcher d’une altérité autrement inaccessible. Le caractère dérangeant, dangereux et problématique des drogues est ici complètement évacué.


Article par Ohtar Celebrin